Le taux d’écart de salaire hommes-femmes reste de 9%.

Les employeurs anticipent une plus faible mobilité des jeunes diplômées et... les sous-paient.

A.Popov

Nommée directrice de la communication France et Benelux de Shell, Domitille Fafin, 30 ans, alors responsable des achats de Butagaz, se souvient encore de son étonnement quand, en 2012, la DRH lui a proposé ce poste. "Je n'avais rien demandé et voulais m'assurer qu'il n'y avait pas d'erreur! Comme nombre de femmes, je ne savais pas me mettre en avant."

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Heureusement pour elle, son employeur l'avait repérée et, quand est venue l'heure de négocier son nouveau salaire, la discussion n'a duré que cinq minutes. L'existence de grilles en fonction du niveau de responsabilité limite certes les marges de manoeuvre, mais permet d'atteindre l'égalité salariale entre les sexes.

>> Lire aussi: Salaire des cadres: les inégalités homme-femme progressent avec l'âge

Connaître sa valeur et oser réclamer

Malheureusement, toutes les entreprises ne sont pas si bienveillantes. Selon une étude (1) que vient de publier l'Association pour l'emploi des cadres (Apec), le salaire médian des hommes cadres est de 15,7% supérieur à celui des femmes. A profil et fonction identiques, les premiers gagnent 8,5% de plus que les secondes. Les écarts varient toutefois avec l'âge: de 12,5% chez les plus de 50 ans à 4% chez les moins de 30 ans.

"La génération Y, que l'on pensait plus prompte à s'affirmer pour réduire ces inégalités, n'a finalement pas modifié profondément la donne", regrette Viviane de Beaufort, professeur à l'Essec. Les enquêtes réalisées par cette grande école de commerce sur les salaires à la sortie des diplômés des trois dernières années enregistrent une différence de 15% entre filles et garçons. Les étudiantes de la promotion qui se lancera cet été sur le marché du travail bénéficieront pour la première fois de séances de coaching destinées à rétablir un traitement plus équitable.

Au programme: connaître sa valeur et oser réclamer. "Les employeurs anticipent une plus faible mobilité des jeunes diplômées dans les cinq à huit ans suivant leur embauche, au moment où ils repèrent les hauts potentiels. Ils ont alors tendance à les sous-payer. Il faut qu'elles apprennent à répondre à leurs arguments au lieu de les subir! Aujourd'hui, avoir des enfants n'est plus un problème et ne signifie pas que les femmes vont mettre leur carrière en sommeil", ajoute l'enseignante.

Majoritaires dans des fonctions moins rémunératrices

Si ces critères culturels expliquent partiellement les inégalités de rémunérations, ils ne sont pas les seuls. "Les femmes ne parviennent pas toujours à rattraper les écarts du début de carrière. Quand elles changent d'entreprise, le nouveau salaire proposé est toujours en relation avec l'ancien", mentionne Chantal Berard, chasseuse de têtes au cabinet Boyden.

"Certaines fonctions où les femmes sont majoritaires (communication, marketing, RH) sont aussi moins rémunératrices que d'autres, comme la finance, où les hommes prédominent. Si bien que, à niveau de responsabilité équivalent, les femmes perçoivent encore des salaires inférieurs à ceux des hommes", ajoute Olivier de Conihout, directeur général du cabinet d'outplacement l'Espace dirigeants. L'étude de l'Apec confirme: les inégalités salariales varient en effet de 5,5 % pour les postes dans l'informatique à 14,1% pour les fonctions de direction générale.

"Il y a surtout l'effet plafond de verre, renchérit Philippe Burger, associé capital humain de Deloitte. Les grandes entreprises ont fait de gros efforts pour remettre à plat leurs grilles salariales, lisser les différences entre les fonctions et établir des règles identiques pour tous. Mais la surreprésentation des hommes parmi les cadres supérieurs, et encore plus au niveau du top management, explique les inégalités persistantes, les femmes étant encore trop peu nombreuses à ces niveaux de responsabilité." Le combat continue...

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