Éducation : le projet de Najat Vallaud-Belkacem qui agace les Allemands

La ministre prévoit de supprimer les classes bilangues et européennes. Le coup de grâce à l'allemand, langue déjà très mal parlée par les Français ?

De notre correspondante à Berlin,

Les Français sont-ils sur le point de se détourner de l'apprentissage de l'allemand ?
Les Français sont-ils sur le point de se détourner de l'apprentissage de l'allemand ? © AFP

Temps de lecture : 3 min

La proposition de Najat Vallaud-Belkacem de supprimer, dès la rentrée prochaine, les classes bilangues (qui proposent l'apprentissage de deux langues en parallèle dès la sixième à raison de trois heures d'anglais et deux heures d'allemand hebdomadaires) et les classes européennes laisse les Allemands perplexes. Cette réforme du collège va-t-elle donner le coup de grâce à l'apprentissage de l'allemand déjà si mal aimé dans les établissements scolaires français ? Une langue qui rebute déjà beaucoup d'élèves en raison de la difficulté de sa grammaire.

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La France et l'Allemagne avaient donc décidé de donner un petit coup de pouce à l'apprentissage de la langue du partenaire qui déclinait à allure accélérée. Car en Allemagne aussi de moins en moins d'élèves optaient pour le français, une langue réputée difficile et choisie par "les filles sages et bonnes élèves". Les classes bilangues et européennes avaient donc été créées pour tenter d'enrayer cet effondrement. Ce dispositif qui s'est montré efficace dans les deux pays risque aujourd'hui de capoter. "Cela concerne 3 700 classes en France, soit 100 000 élèves", explique très inquiet Joachim Umlauf, directeur de l'institut Goethe à Paris. "La suppression de ce dispositif va nuire à l'allemand", ajoute-t-il. Avant d'expliquer : "Le problème de fond va se reposer. Face au recul dramatique de l'allemand qui, entre 1995 et 2002, avait chuté de 25 à 15 %, les gouvernements de nos deux pays avaient décidé de prendre ces mesures interventionnistes pour stabiliser le nombre d'élèves qui font de l'allemand à l'école. Opération réussie : 15 % des élèves français choisissent de faire de l'allemand à l'école aujourd'hui. Nous ne comprenons pas au nom de quoi la ministre décide soudain, sans consulter personne, de supprimer ce dispositif. On menace ici des instruments qui pourtant ont fait leurs preuves."

Une pétition a été envoyée à François Hollande

30 000 signatures ont déjà été recueillies par l'Adeaf, l'association des profs d'allemand, pour protester contre le projet. La pétition a été adressée à François Hollande. Une soixantaine de députés à l'Assemblée nationale ont également manifesté leur opposition à ce texte, arguant qu'il risquait de nuire à la relation franco-allemande si vitale pour l'Europe. Même Jean-Marc Ayrault, germanophone et ancien prof d'allemand, est intervenu dans le débat. L'ambassadeur d'Allemagne à Paris était quant à lui reçu lundi soir par la ministre.

"En tout cas, cette mesure unilatérale risque d'avoir des conséquences sur l'apprentissage du français en Allemagne, ajoute Joachim Umlauf. Les Allemands auront-ils envie de soutenir la France si elle les laisse tomber ainsi ? Ces mesures volontaristes de soutenir la langue de l'autre avaient été prises en commun. Que se passe-t-il si l'un des deux partenaires décide de quitter le navire sans consulter personne ? Et que va-t-il advenir du projet d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy de renforcer en les doublant les rangs de l'université franco-allemande si les étudiants français ne parlent pas allemand ?"

En Allemagne, les Français ont la réputation de ne pas parler les langues étrangères et de sortir de l'école en ânonnant l'anglais. On se moque de leur accent, de leurs fautes de grammaire, de leur incapacité à être à l'aise dans une langue qui n'est pas la leur. Les petits Allemands commencent l'apprentissage des langues (en grande majorité l'anglais, mais aussi le français, l'espagnol et même le russe) dès l'école primaire. Un enseignement concentré sur l'expression orale. Un bachelier allemand parle bien l'anglais et s'il choisit la dominante française, il sera parfaitement capable de tenir une conversation dans la langue de Molière. Lors des échanges scolaires, les familles allemandes sont toujours frappées par le manque de confiance en soi des jeunes correspondants français qui ont du mal, après des années de cours, à aligner deux mots en allemand. La réforme proposée par la ministre française ne risque, estiment les Allemands, que d'aggraver les choses.

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Commentaires (18)

  • maurice2

    Supprimé ? On pourrait le supposer, non ? NVB serait-elle décidée à rayer "d'un trait de plume" le Traité de l'Elysée qui a été signé alors que, sans doute, elle n'était pas née, entre le général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer ? Cette réforme, on le voit bien, se prépare, à l'instar de ce qui s'est fait pour la loi dite "loi Macron" dans l'improvisation la plus absolue. Au fait, qu'en pensent les syndicats d'enseignants ? Est-on allé jusqu'à la concertation ? Ou est-on passé "en force" ? Où se fait donc aujourd'hui la politique de la France ?

  • baudet

    C'est le propre des politiques depuis quelques années ! Nous avions un système scolaire formidable, puis, à un moment, chaque ministre a voulu
    imprimer sa marque, laisser son nom à une (ou des) loi. Résultat ? C'est un
    boxon pas possible ! Pourquoi tout changer ? Comme si avant la France n'avait
    pondu que des imbéciles !

  • y

    L'incompétence de la France en matière d'éducation nationale dépasse même les frontières de notre pays. Notre niveau, dans ce domaine, baisse régulièrement. Mais ce n'était pas suffisant. Il nous faut mettre à dos l'Allemagne. Que va encore inventer notre ministre ? Supprimer le français et les maths. Pourquoi pas.