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Le pari risqué des « Tanguy » de l’université

Pour éviter le chômage, 11 % des jeunes diplômés de 2010 ont repris le chemin de la fac avant 2013 au lieu de moins de 8 % des sortants de la génération 2004. Une démarche pas toujours bien vue des employeurs.

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Publié le 27 avril 2015 à 11h16, modifié le 17 mars 2022 à 17h38

Temps de Lecture 4 min.

Un amphithéâtre bondé du campus d'Orsay (université Paris-Sud).

Etudiant en master Innovations en communication à l’université Paris-13, Julien Hélaine a décidé de reprendre ses études après quelques mois de galère pour trouver un emploi. A sa sortie en 2012 d’une école de cinéma, le jeune homme espérait trouver un job d’assistant de production. Mais dans un domaine aussi bouché, difficile de percer. « Une petite société de production m’a proposé de travailler pour elle, mais en tant qu’auto-entrepreneur, raconte-t-il. Elle a fini par couler. »

Pour décrocher le poste de ses rêves, le jeune homme s’est finalement décidé à repasser par la case « fac ». « Je n’avais pas de réseau et je voyais mes amis en difficulté, témoigne-t-il. J’ai décidé de reprendre une formation pour me construire un début de réseau et bénéficier de conventions de stages. »

Julien est loin d’être le seul jeune diplômé à retourner sur les bancs de la fac après des premiers pas précaires sur le marché du travail. Une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) portant sur la génération 2010 note une tendance croissante à la reprise d’études pour les bac + 3 à bac + 5. Alors que moins de 8 % des sortants de la génération 2004 reprenaient une formation dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme, ils sont plus de 11 % dans ce cas pour la génération 2010.

Des risques

Les motivations de ces jeunes « Tanguy » de l’université sont diverses : muscler leur formation, éviter un trou sur le CV… Quelques-uns ont du mal à quitter le rassurant statut d’étudiant. « On voit des jeunes qui reprennent leur cursus après l’avoir abandonné en cours de route, mais aussi d’autres qui enchaînent les licences sans vraiment savoir où ils vont », observe Barbara Muntaner, du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ).

En 2006, un rapport du Comité national d’évaluation de l’université Paris-IV-Sorbonne pointait les cas de réinscription en formation dans le seul objectif d’obtenir des conventions de stage ou de bénéficier du statut étudiant.

« Si le but est uniquement d’éviter un trou sur son CV ou d’occuper son temps, l’étudiant court droit à l’échec. Le recruteur a besoin de comprendre ce qui a motivé la reprise d’études. »

Mais cette stratégie comporte des risques : retourner sur les bancs de la fac n’est pas toujours bien vu par les employeurs. « Si le but est uniquement d’éviter un trou sur son CV ou d’occuper son temps, l’étudiant court droit à l’échec,souligne Anne-Marie Deblonde, responsable des jeunes diplômés au cabinet de recrutement Alphée. Le recruteur a besoin de comprendre ce qui a motivé la reprise d’études. »

Etre surdiplômé ne permet pas toujours de tirer son épingle du jeu. « Reprendre des études peut être intéressant pour des niveaux bac à bac + 2, mais pour les étudiants qui sortent d’une école, c’est bien souvent reculer pour mieux sauter, estime Ludovic D’hooghe, directeur du cabinet de recrutement Alphéa Conseil. Aujourd’hui, la porte d’entrée dans les entreprises se situe plutôt aux échelons inférieurs. »

Deux propositions d’embauche

Néanmoins, le « plafond de verre » du diplôme existe dans de nombreuses entreprises. « Quand on n’a pas fait le top 5 des grandes écoles, l’employabilité peut se révéler plus compliquée, estime Michaël Moyal, directeur général du cabinet de recrutement Moyal & Partners. D’autant que les grilles de rémunération des grandes entreprises dépendent souvent de la formation d’origine. C’est pourquoi il peut être bon d’envisager des études complémentaires sous la forme d’une année de spécialisation, à condition de viser les meilleurs établissements. »

Au demeurant, il est bien plus facile d’intégrer une école prestigieuse via un programme post-diplôme qu’en formation initiale. « Comme les mastères spécialisés coûtent cher, même les grandes écoles n’arrivent pas à compléter leurs classes », souffle un spécialiste du recrutement, qui préfère rester anonyme.

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C’est cette stratégie de l’excellence qu’a suivie Pierre, actuellement en mastère spécialisé Management urbain et immobilier à l’Essec. Ancien diplômé de Sciences Po Bordeaux, le jeune homme de 26 ans n’a pas hésité à lâcher un CDI confortable dans un cabinet de lobbying afin de reprendre une formation. « J’ai découvert que l’immobilier offrait plus de débouchés, notamment à l’international, explique-t-il. J’ai donc négocié une rupture conventionnelle afin de compléter ma formation initiale et trouver un emploi dans ce secteur. »

Le pari semble gagnant : alors qu’il n’a pas encore achevé sa formation, le jeune homme a déjà reçu deux propositions d’embauche. « Ce diplôme va aussi me permettre de bénéficier d’un bonus au niveau du salaire », se réjouit-il.

Sonder les anciens élèves

Avant de suivre une nouvelle formation souvent coûteuse, l’étudiant a intérêt à se renseigner sur l’insertion professionnelle des anciens élèves et à faire le point sur son propre parcours. « Le jeune diplômé doit veiller à la cohérence de son projet professionnel, précise Anne-Marie Deblonde. S’il n’arrive pas à trouver d’emploi au bout de quelques mois de recherche, il doit se poser les bonnes questions : est-ce que le problème vient d’un projet -décalé par rapport à sa formation ? De son manque d’expérience ? D’une formation inadaptée aux besoins du marché?»

A défaut de reprendre ses études, d’autres alternatives s’offrent à lui. « Si l’étudiant a fait peu de stages, je lui conseillerais de développer son expérience de l’entreprise en trouvant un job dans un secteur qui l’intéresse, explique Ludovic D’hooghe. Il y a plein de postes qui permettent d’être intégré dans l’entreprise et de développer son réseau. »

Autre option, le séjour à l’étranger. « Partir un an permet de développer ses compétences linguistiques et d’acquérir de la maturité », souligne Anne-Marie Deblonde. Et, peut-être, de décrocher, ailleurs, le job tant convoité.

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