La Cour des comptes critique l’empilement des allégements de cotisations
Le gouvernement étudie la refonte du barème des charges sociales pour intégrer 20 ans de politique de réduction du coût du travail.
Par Solveig Godeluck
Il va falloir mettre un peu d’ordre dans les charges sociales. Dans un référé publié mardi, la Cour des Comptes critique l’empilement des dispositifs successifs visant à réduire le coût du travail : réduction Fillon de 2003, crédit d’impôt compétitivité emploi de 2012 et, enfin, Pacte de responsabilité et de solidarité, avec des baisses de charge entrées en vigueur en janvier.
« Grâce à ces dispositifs, le coût réel du travail, au niveau des bas salaires, est désormais très éloigné du niveau nominal qui résulterait de l’application du barème des cotisations officiellement en vigueur », remarque d’abord la Cour. En 2013, les allégements généraux de cotisations sociales patronales ont bénéficié à 1,49 million d’employeurs et concerné 10,65 millions de salariés pour un coût total de 20,64 milliards d’euros. La seule réduction Fillon (dégressive, jusqu’à 1,6 Smic) allège le coût du travail de 18 %.
A l’heure où une nouvelle vague de baisses de cotisations entre en vigueur, et alors que la dernière loi de financement de la Sécurité sociale a conservé 71 mesures dérogatoires d’exonérations ou de réduction de cotisations sociales, la Cour critique « l’incohérence » des pouvoirs publics : « Si la politique de baisse du coût du travail engagée depuis plus de 20 ans s’incarne dans des dispositifs durables, il peut sembler paradoxal qu’elle s’exprime par la voie de réductions ou de mesures dérogatoires plutôt que par l’adoption d’un barème reflétant le niveau réel des prélèvements obligatoires assis sur la masse salariale », souligne-t-elle.
Un millefeuille d’allégements aux effets mal documentés
Pourquoi pas, rétorque en substance le gouvernement. En effet, le Haut conseil au financement de la protection sociale a été mandaté en octobre pour réfléchir à l’intégration des allégements généraux au barème des cotisations sociales. Toutefois, cela « complexifierait » le système, puisqu’il faudrait prendre en compte les effectifs de l’entreprise (20 salariés ou plus), l’assiette des cotisations (plafonnée ou non). De plus, les allégements généraux sont conditionnés à la tenue de négociations annuelles ou à l’absence de condamnation pour travail dissimulé : comment transposer cette exigence dans le droit commun des cotisations sociales ?
Par ailleurs, la Cour des Comptes réclame plus de suivi et d’informations sur l’effet de ce millefeuille d’allégements. Les dernières études fouillées remontent à 2009, à partir des données 2005. Or il est possible que du fait de ces coups de pouce ciblant le bas de l’échelle, les employés tombent dans une « trappe à bas salaires » - ce que le gouvernement réfute, évoquant des « effets très modestes ». Enfin, ce dernier reconnaît qu’il pourrait approfondir l’information donnée aux députés et aux citoyens dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, sur le coût et les effets des allégements généraux de charges sociales.