"Le marché du coaching est totalement saturé !"​

"Le marché du coaching est totalement saturé !"

Sans vouloir généraliser abusivement, cette phrase est devenue une véritable rengaine dans divers milieux de coachs. Et elle est souvent accompagnée d’autres expressions issues du même cadre de référence auto confirmant: le monde tel que nous le connaissons a des limites réelles et il n’y en aura pas pour tout le monde, la réalité est là bas dehors et l’individu ne peut rien y changer, etc. On croirait entendre des clients, salariés ou cadres désabusés. 

Les sentiments négatifs qui accompagnent ce cadre de référence sur le marché du coaching s’expriment souvent contre des boucs émissaires. "Il y en a qui cassent le marché en se vendant à des tarifs ridicules et d’autres bien installés qui trustent le marché". "Il y a trop de faux coachs qui vendent n’importe quoi!" "Ce sont surtout les écoles de coaching qui arrivent à tirer leur épingle du jeu." Etc. Le point commun véhiculé par ces d’expressions de frustration ou de colère, c’est qu’il s’agit toujours de généralités, de l’autre, de l'environnement. Jamais de soi.

Désolé pour ceux et celles qui vivent dans ce monde là, mais il est possible de voir les choses autrement. 

  • Pour beaucoup de coachs, la possibilité de transformer sa façon de voir, de changer de cadre de référence ou de paradigme, cela va de soit, en tout les cas intellectuellement. C’est vrai, mais ça aussi surtout pour les autres.

En ce qui concerne le paradigme et les croyances qui limitent la perception que l'on peut avoir du marché du coaching, changer sa façon de voir pourrait être salutaire. Surtout pour les coachs débutants. 

  • Premièrement, imaginez que la notion même de marché de coach n’existe pas. Il y a autant de marchés de coachs que de relations de coaching. 

La raison en est simple. Il n’y a pas deux coachs qui procèdent de la même façon, il n’y a pas deux clients identiques, et leurs enjeux sont tous différents. Par conséquent, chaque relation de coaching est totalement unique. Elle n’est pas reproductible.  C’est la base même du métier. De fait, la notion de marché de masse ne s’applique pas à la relation personnelle, et à priori pas à la relation coach – client. A moins de concevoir que le coaching est comme le petit pain proverbial, un vulgaire produit de consommation de masse.  A peine quelques euro le petit pain, et en plus on s’en lasse rapidement sauf s'il est bardé d'accessoires.

  • Deuxièmement, à moins d’être des consommateurs relativement moutonniers, les clients n’ont pas pour ambition d’acheter du coaching. 

Pas plus qu’ils n’ont pour ambition d’acheter des téléphones, des voitures, ou autres objets et services. Les clients intelligents (et ils le sont) achètent des moyens qui peuvent leur servir à accomplir d’autres ambitions.  Un téléphone pour communiquer, une voiture pour se déplacer. Lorsqu’ils dépensent dans n’importe quel domaine, c’est parce que les clients qui intéressent des coachs veulent acquérir des moyens qui leur apportent de la vraie valeur ajoutée. Par conséquent, ils ne sont pas plus des consommateurs que des "coachés" (Vous l'avez compris, cette expression pour parler de clients m'horripile!)

  • Exemple : Il n’y avait pas de marché, disait-on, pour des tablettes, dont pour ces I-Pads devenus légendaires. Ceci jusqu’au moment où des milliers de personnes ont perçu l’extraordinaire valeur ajoutée qu’apportait l’appareil. 

l’I-pad a trouvé son marché en le créant de toutes pièces, parce qu'il apporte une valeur surprenante à ses clients. De la même façon, un coach ne peut pas vendre du coaching. Il ne peut vendre que la valeur ajoutée mesurable qu’il est à même d’assurer à chaque client différent, et ceci de façon émergente. En cela, à chaque fois qu’il rencontre un prospect, le coach peut créer ce marché là.

La question qu’il est utile de se poser ici est comment ce fait-il qu'un tel discours restrictif soit si repandu au sein de la population de coachs, alors que toutes les statistiques le prouvent, son développement est en plein essor ? Comment se fait-il qu’ils soient si nombreux à donner de la voix pour exprimer une perception si négative du métier, alors qu'il est perçu comme ayant une pertinence réelle au niveau personnel, professionnel et sociétal ? Et surtout, d’où vient ce cadre de référence ?

Un petit retour arrière :

Il n’y a pas si longtemps, le leitmotiv de la majorité des coachs débutants était que le client ne savait pas ce qu’était le coaching. Ils voulaient tous des options et des solutions. Il fallait leur expliquer qu’un coach n’apportait pas de réponses à leurs enjeux, qu’ils devaient s’assumer et trouver leurs propres solutions, etc. Et puis tout d’un coup, comme par magie, nous nous trouvons aujourd'hui face à un marché saturé! Il y a trop de coachs et plus assez de clients pour permettre à ces premiers de gagner leur vie! Cherchez l’erreur.

  • Pour comprendre que le même cadre de référence est à l’origine de ces deux discours apparemment différents, il est utile de se pencher sur le processus habituel (pas le contenu!) de formation de coachs. 

Lors de leurs parcours d’apprentissage au sein d’une école, les élèves en coaching apprennent les tenants et aboutissements du métier. Le métier leur est bien expliqué par des formateurs. « Le coaching, c’est ceci, ce n’est pas cela, il faut en apprendre la pratique, les outils, etc... » Par conséquent, la relation qui est instaurée au sein de ces écoles repose sur un contexte de professeur à élève, d’enseignant à apprenti. Tout ce qu'il y a de plus normal!

Lorsque l’apprenti en question a enfin bien appris les stratégies et outils, la posture de coach telle qu’elle est définie par son école, etc. il se lance. Il est coach! Ne voulant plus se positionner comme un élève, il prend tout naturellement la seule autre posture qu’il ait vécu en ce qui concerne son expérience du coaching: celle de son professeur ou formateur. Celle de celui qui définit, qui explique, qui sait et éventuellement qui corrige. Il est utile de savoir que cette posture d’enseignant est notoirement connue pour être une position haute: c'est celle du parent qui sait, qui soutien, qui rectifie, qui encourage, qui explique, qui félicite, voire qui rabâche, qui teste et corrige.

  • Le débutant se lance alors en tentant d’expliquer à ses prospects la subtilité de ce qu'il fait, la pertinence des outils qui le différencient si bien des autres, au besoin ce qu’est le coaching et ce que ça n’est pas. 
  • Le débutant veut démontrer qu’il a bien appris sa leçon et son métier: qu'il est maintenant un coach !

Malheureusement, pendant que le débutant explique ce qu’est le coaching et en quoi ses outils sont performants - tout en pensant qu’il vend un service, soit le client est plutôt centré sur son objectif ou son enjeu et il s'impatiente, soit il n'en a pas et il sent qu'il perd son temps. Il y a décalage immédiat. Le coach le sent, et en rajoute! La relation nage alors en plein paradoxe : 

  • Le client ne comprend pas pourquoi il devrait engager un coach qui dit ne pas offrir de solutions tout en affirmant que le coaching est lui-même un bon moyen que le client devrait envisager, c'est à dire une bonne solution
  • Le client ne comprends pas qu’un coach lui explique ce qu’est le coaching, qu’il le forme afin qu’il puisse s’adapter à ce qu’est une relation de coaching tout en affirmant que le coaching n’est pas de la formation !

Le coach ne fait pas ce qu'il dit. La confusion s'installe, le client hésite longuement. Le résultat premier est que le coach débutant frustré juge que son client n'est décidément pas prêt. Il ne comprend pas ce qu’est le coaching. Lorsque ceux-ci partent chercher ailleurs d’autres moyens, voire d'autres coachs pour atteindre leurs objectifs, les coachs débutants désespèrent. Lorsqu'ils constatent que d'autres coachs arrivent à conclure avec des clients, arrivent à vivre du coaching, ils finissent par conclure que le marché est difficile, voire saturé, qu'ils arrivent trop tard. Certains courent alors tout de suite ouvrir leur école de coaching, avant que ça ne soit trop tard! Et là ils assumeront leur posture de formateur!

De toute évidence, afin de résoudre la première perception, que clients ne sont pas prêts à entamer une démarche de coaching, comme la deuxième concernant un marché déjà saturé, il serait utile de chercher du côté du cadre de référence des coachs qui vivent une difficulté à se vendre. Afin de trouver l’origine de leurs difficultés, il est sans doute utile de surtout revoir, de façon systémique, la forme de la relation d’apprentissage vécue au sein des écoles de coaching.

Quelques axes de solution :

Il semblerait utile que tout le processus d’apprentissage au métier de coach se fasse de façon cohérente avec le type de relation émergente, déléguée, participative et paritaire exemplifiée par la relation coach – client.

Par exemple:

  • Toutes les occasions de relation entre un étudiant en coaching et son école de coaching doivent être de nature à respecter son autonomie, sa responsabilité individuelle, sa capacité d’initiative, sa différence intrinsèque. 

Un élève en coaching devrait pouvoir modeler son parcours afin de l’adapter à ses objectifs personnels et ses propres besoins d’apprentissage. Au minimum, l’école devrait lui offrir un cursus relativement ouvert et de nombreuses options complémentaires. L'école peut éventuellement conseiller, mais elle doit laisser tous les choix à chacun de ses apprentis coachs. 

Il s’agit pour les écoles de développer plus de souplesse afin de s'adapter aux rythmes, besoins exprimés, envies, et hésitations de chacun des élèves. En effet, l’élève en coaching est aussi un adulte capable de faire ses propres choix, d’assumer sa réussite et même ses erreurs !

La structure tarifaire des écoles devraient largement favoriser les participants qui financent eux-mêmes leur propre parcours, au moins en partie. C’est souvent une première preuve d’autonomie responsable, d’esprit d’initiative et d’entrepreneuriat, de capacité à mener son projet personnel et professionnel, etc.

Il devrait y avoir plus de ponts entre les écoles, plus de possibilités de parcours morcelés voire interrompus. Les écoles devraient éviter toutes formes de relations de monopole ou de dépendance avec leurs étudiants.

  • L’architecture d’apprentissage devraient reposer sur beaucoup plus de relations coach – client que de professeur – élève. 

Un ratio de 90% en faveur du premier type de relation serait un objectif à atteindre. L’architecture d’apprentissage devrait ainsi principalement reposer sur une forme de relation paritaire, participative, collaborative et émergente. Le rôle de l’enseignant dans son expression classique de "celui qui sait" devrait y jouer un rôle minimal (pas plus de 10% du temps total). L’apprentissage devrait essentiellement reposer sur la découverte par l’expérimentation suivie d’exploitations (débriefs) entièrement déléguées, c'est à dire organisées et menées par les étudiants. Les enseignants trop centraux, qui s'affichent en gurus, c'est à dire en modèles intellectuellement parfaits, techniquement aboutis, en exemples idéalisés, débordants d'intelligence émotionnelle ou relationnelle, etc. devraient être recasés.

  • L’objectif serait de presque totalement éliminer toute forme de relation de co dépendance ou de subordination entre d’une part l’école et ses enseignants et d’autre part les étudiants en coaching.

Pour être en adéquation avec les besoins émergents du marché au sens large du terme, c’est à dire de la société civile et professionnelle, les formations au coaching doivent devenir des modèles de systèmes ouverts, qui favorisent l’autonomie, l’initiative individuelle et partagée, la collaboration paritaire, la coopération collective, la responsabilité sociale, l'auto-organisation déléguée, la générosité intellectuelle, le partage authentique, etc. 

Les écoles de coaching doivent aujourd’hui transformer leur cadre de référence hiérarchique, archaïque, territorial, compétitif, dont un pouvoir de séduction qui repose sur la prétendue détention d'un savoir exclusif, d'un savoir-faire parfait, et d'un savoir-être méritant sanctification. Cela offrira enfin l’espace entièrement libre permettant à chacun de leurs étudiants en coaching de cheminer à sa façon, avec les autres, afin de découvrir sans encombre le coach que fondamentalement, il porte déjà en lui.

Lorsque les écoles qui forment au métier de coachs deviendront les précurseurs des communautés apprenantes du futur, le problème sera résolu. Les coachs qui y seront formés véhiculeront alors tout naturellement un cadre de référence, des croyances, des stratégies, et des comportements en adéquation totale avec les besoins émergents du marché à la fois local et mondial.

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Pour consulter l'offre de formation au management et au coaching systémique proposée par Métasystème: http://www.metasysteme-coaching.fr/francais/tarifs-dates-et-inscriptions/1246/paris-les-fondamentaux-du-coaching-systemique-manager-et-coach/ .

Pour consulter un article sur l'architecture pédagogique de la formation Métasystème au management et au coaching systémique: http://www.metasysteme-coaching.fr/francais/l-architecture-pedagogique-de-metasysteme-coach-academy/

Pour consulter un autre article sur l'apprentissage pratique de l'accompagnement de systèmes ouverts ou en réseaux, d'entreprises post-modernes ou 'libérées", d'espaces collaboratifs autonomes, etc. http://www.metasysteme-coaching.fr/francais/comment-mieux-manager-ou-accompagner-des-espaces-collaboratifs-des-reseaux-autonomes/

Lise BEAUJOIN

Augmenter l'efficacité professionnelle et la performance des équipes.

4y

Merci pour ce partage. On pourrait également appliquer la même logique au cabinet de coaching.  Pourquoi les cabinets de coaching ne seraient-ils pas "des modèles de systèmes ouverts, qui favorisent l’autonomie, l’initiative individuelle et partagée, la collaboration paritaire, la coopération collective, la responsabilité sociale, l'auto-organisation déléguée, la générosité intellectuelle, le partage authentique, etc. "

isaure de larminat

Travailleur indépendant du secteur Arts

7y

Formidable ce Cardon , très intéressant. Dommage que son texte soit truffé de fautes d'orthographes et grammaticales.

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Stéphane Ancel

Conseil & Accompagnement Stratégique & Opérationnel

7y

Toujours poil à gratter et vivifiant vos propos - à l'aune de ce que j'avais découvert avec vous. Que dire du cadre de référence du "prix" du coaching et de "vivre" du coaching ?

Jean-Christophe Thibaud

Je regarde les choses autrement …

7y

Merci Alain Cardon. Rien à ajouter à cela, si ce n'est qu'une étude réalisée par ICF il y-a 3 ou 4 ans estimait le nombre de coachs en France entre 2 500 et 5 000... Enfin je renvoie aussi vers une excellente étude réalisée par Héloïse Cloet (cahier de recherche PRISM-Sorbonne): "Les mécanismes de régulation du marché du coaching: les conventions"

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